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Rien de Rien
Après avoir exploré le monde de Brel en 1999 avec Anonymous Society, la suite logique dans l'œuvre de Sidi Larbi Cherkaoui était de s'attaquer aux paroles d'une autre légende de la chanson française du XXe siècle, Édith Piaf. Non, je ne regrette rien est la clé de voûte du premier spectacle abouti de Cherkaoui pour les Ballets C. de la B. En faisant équipe avec le directeur musical et violoncelliste renommé Roel Dieltiens, Cherkaoui a inventé un monde que l'on peut considérer comme le fondement de son univers chorégraphique.
Le spectacle se déroule dans un décor hybride ; on dirait une mosquée dans laquelle le violoncelliste aurait pris la place de l'imam, et le sol recouvert de tapis ressemble autant à un lieu de prière qu’à une piste de danse. Au fond de la scène, un mur retient les danseurs en otages. L'inscription en calligraphie arabe qui orne le mur dit que 'l'interdit attise l'envie' ou 'l'envie attire l'interdit'... Les six musiciens, trois jeunes hommes barbus et trois femmes [la danseuse et professeure de ballet Marie-Louise Wilderijkx (58 ans), la chanteuse et danseuse Angélique Willkie (40 ans) et la très talentueuse jeune Laura Neyskens (14 ans)] interagissent de manières différentes avec la musique contemporaine de Gubaidulina, Kodaly, Ligeti, etc. que Roel Dieltiens interprète au violoncelle. Bien que multiples, diverses et paradoxales, les images se fondent dans Rien de Rien : les récits de Willkie à propos d'une lutte autour du végétarisme dans un village éloigné d'Afrique ; une chanson populaire religieuse italienne que l'Église réfute, mais qui met à l'unisson les corps de deux danseurs incarnant Shiva dans une mosquée ; une diva élégante qui fume en dansant le tango sans effleurer son partenaire bien plus jeune... Ce spectacle intime et introverti a tourné pendant deux ans à travers toute l'Europe. Rien de Rien a remporté le Prix spécial du Festival BITEF à Belgrade et Cherkaoui a obtenu le prix Nijinski du chorégraphe émergent à Monte-Carlo en 2002.