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Memento Mori
Memento Mori. Souviens-toi que tu vas mourir. Cette expression latine séculaire est le point de départ de la troisième création du chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui pour Les Ballets de Monte-Carlo. Il n’y a dans cette phrase aucune injonction menaçante ou volonté macabre de nous rappeler que la mort nous attend tous. Le chorégraphe nous invite simplement à ne pas nous laisser engourdir par l’idée que la mort étant inéluctable, il n’y a rien à en dire ni rien à faire sinon l’attendre. Au contraire, la mort mérite que l’on pose régulièrement sur elle un regard renouvelé et en constante évolution. Car il est certain que l’on ne pense pas à la mort de la même manière selon qu’on est un enfant, un adulte ou un vieillard. Le plus triste serait pour le chorégraphe que par habitude, on finisse par l’oublier... Penser à la mort, c’est se souvenir qu’elle est notre compagnon muet depuis notre premier cri jusqu’à notre dernier soupir et que par sa présence permanente, notre vie devient elle-même le plus grand des mystères. Socrate ne disait rien d’autre en affirmant que philosopher c’était s’exercer à mourir. Sidi Larbi Cherkaoui s’est toujours efforcé d’insuffler dans ses chorégraphie cette dimension spirituelle qui nous pousse à nous réapproprier notre réalité. Celle-ci ne change pas, c’est le regard que l’on pose sur elle qui change et nous permet d’être des individus en devenir. Se souvenir, c’est grandir.
Cette philosophie trouve son illustration dans le langage corporel que le chorégraphe a su développer. Soucieux de créer un mouvement qui évolue, respire et porte en lui une fluidité permanente, Sidi Larbi Cherkaoui s’attache avant tout à lier entre eux les motifs chorégraphiques. L’essentiel n’est pas le mouvement mais plutôt la manière dont il découle du précédent et appelle le suivant. La danse de Sidi Larbi Cherkaoui est “liquide”, elle est dans l’enchaînement circulaire, dans l’éclosion qui amène l’effacement. Plus que le vocabulaire, c’est la syntaxe qui importe. Pour les danseurs, cette fluidité permanente les pousse à ne jamais se poser et à s’inscrire dans un écoulement esthétique où le corps s’immobilise rarement.
Avec Memento Mori, c’est la troisième fois que le chorégraphe et la compagnie des Ballets de Monte-Carlo expérimentent ce processus ensemble. La pièce vient clore une trilogie commencée treize ans plus tôt avec In Memoriam (2004), suivi par Mea Culpa (2006). Sidi Larbi Cherkaoui confie que créer avec Les Ballets de Monte-Carlo, c’est un peu comme revenir chez lui: “Certaines personnes que j’ai connues dansent encore, d’autres sont devenues maître de ballet ou répétiteur. On a l’impression que la compagnie a changé mais en fait, c’est toujours la même. C’est vraiment touchant d’être de retour”.